"Toujours m'appuyer sur des choses annexes, faire des rapprochements, depuis que j'écris, il y a toujours ay d'autres voix, d'autres textes, d'autres choses, un autre angle sous lequel j'essaie de me montrer. Moi et autre chose, toujours. Il faut que je compte sur moi maintenant, le plus proche, le plus réel, pas grand choses, avec l'inceste je ne peux pas me sentir grand chose, le corps, la vie, le lieu où je vis, la comédie que je me joue, dans mes angoisses mes crises de larmes, mes coups de fil, mon intelligence, etc., toutes mes limites, être juste sur ma limite, m'appuyer dessus, comme à la rampe qui monte chez l'avocat. Que tout le monde la voie, ma nullité, mon rien, mon minimum d'être humain, le tout petit écrivain que je suis." Christine Angot a publié quatre romans chez Fayard, Interviews, Léonore, toujours, Les autres, Sujet Angot et un recueil de théâtre, L'usage de la vie.
À l'occasion de la sortie du film Pourquoi [pas] le Brésil de Laetitia Masson, le 15 septembre 2004 avec Elsa Zylberstein Pourquoi le Brésiloe est peut-être le premier roman d'amour de Christine Angot. Quand on est seule, vraiment seule, et vraiment perdue, vidée et épuisée, prête à renoncer à tout, même au plus important - c'est-à-dire à l'amour - les gens, les autres, l'entourage, les amis, les ennemis, dont tous prêts à vous rassurer. Ils vous demandent gentiment d'y croire encore, de ne pas abandonner. A ce moment-là, si le miracle se produit, si la personne tant espérée, tant attendue, arrive enfin, sera-t-on capable de la reconnaître et d'être reconnueoe Christine Angot décrit depuis toujours les mécanismes de l'être humain : la peur de s'engager, la difficulté de communiquer et de savoir vivre. Les thèmes essentiels de son oeuvre prennent dans cette histoire d'élan et de rejet amoureux une force et un relief inédits. A-t-on jamais observé avec autant de justesse et de témérité l'intimité d'une relation naissante, dans ses remous et ses passions, ses incompréhensions et ses très grandes violences ?
Peut-on enfin se dire que l'être aimé fera un jour en sorte que plus rien ne sera comme avant. Est-ce que l'amour le plus considérable au monde peut permettre à une jeune femme de quarante ans de relire avec distance les lettres que son père Pierre Angot lui écrivait quand elle était encore petite fille ?
« peau d'âne ne connaissait rien, elle habitait une petite ville du centre de la france et n'avait rien vu de très extraordinaire. sa mère, qui était très belle, l'aimait. sa mère était d'origine juive, mais elle avait demandé à être baptisée, pour être comme ses copines janine mouchel, janine busseron. il y avait un mimétisme entre peau d'âne et sa mère.
Un jour, le directeur financier de l'hôpital psychiatrique rattaché à la sécurité sociale où travaillait sa mère, avait dit, à la suite du noël de gireugne, puisque c'était le nom de cet hôpital : c'est incroyable le mimétisme. on était alors dans les années 70, ou à la fin des années 60, c'était la mode des jupes à godets, en tweed, et des pulls chaussettes, et bien sûr des manteaux maxi. la mère de peau d'âne l'habillait toujours dans le même magasin, avec beaucoup de soins, chez caroline. souvent c'était pour prendre des uniformes bleu marine, des jupes bleu marine, des pulls bleu marine, des chemisiers blancs, et pas de pantalons, ces petites filles n'avaient pas droit aux pantalons, sauf s'ils étaient portés sous les jupes, l'hiver. les pantalons étaient considérés comme indécents à cette époque. la mère de peau d'âne n'avait pas le droit d'en porter non plus au début à la sécurité sociale, le directeur, monsieur feignon, l'avait interdit. avec la mère de peau d'âne monsieur feignon avait essayé, elle l'appelait le père feignon, elle ne l'aimait pas.
L'école de peau d'âne était une école de filles, une école privée. pourquoi ? parce que sa mère, qui était si belle, n'était pas mariée avec le père de peau d'âne, et à l'époque c'était extrêmement rare. »
Un recueil composé de deux textes très différents : dans "la peur du lendemain" , christine angot décrit dans une sorte de mouvement perpétuel sa peur d'être tuée, sa peur que "ça s'arrête".
Ce sont des images, des souvenirs qui jaillissent dans "normalement", et qui suscitent des questions à l'infini. un texte dont le rythme est à la fois très tendu et envoûtant comme une mélopée.
François et Sylvie : un couple. Un couple avec enfants, une fille et un garçon.
François et Sylvie vivent ensemble depuis une quinzaine d'années. Ils sont tous les deux cinéastes. Ils s'aiment, ils s'aiment mal mais peut-être s'aimeront-ils toujours de ce même mal oe Sylvie fait de fréquents séjours en hôpital psychiatrique : elle est maniaco-dépressive. François, lui, n'est même pas dépressif, il ne s'aime pas, déprécie son travail, trouve que sa femme a bien plus de talent et de force que lui. Autour de ce couple, avec enfants donc, gravitent des personnages d'un Paris littéraire fraîchement célèbre, où chacun semble jouer sa partition. Chacun pour soi, oui, jamais personne ensemble.
François et Sylvie devront-ils se séparer pour apprendre à s'aimer davantage, mieux en tout cas ?
Ils sont manifestement les seuls à vivre et à faire ensemble. Au moins ce qu'ils peuvent. Qu'ils fassent ou défassent, l'attachement demeure. Comment se défaire d'un tel amour, voilà sans doute le sujet souterrain du nouveau roman de Christine Angot, Les désaxés, sa vraie nature aussi, et son aspect terriblement universel. Les désaxés, c'est nous tous : tant que nous ne saurons pas vivre, nous ne saurons pas aimer.
"Cette fois, j'espère qu'on ne va pas me faire changer les noms, je ne dis rien de mal, je ne dis que la vérité, ce que je sais, ce qui est vrai. Et tellement sur tellement de gens, qui pourraient m'accuser, me porter au tribunal, à moins d'un regroupement, improbable, à moins d'une communauté, lâchons le mot, inavouable. Pas dans le sens de référence, mais le sens : vous ne devriez pas l'avouer que vous êtes une communauté de lâches."
" Ils sont saturés de mon ironie, de mes sarcasmes.
Exercez donc vos talents ailleurs que sur nous. Vous en trouverez d'autres. Ils sont partis en claquant la porte. J'ai voulu me mettre à la machine. J'ai voulu écrire. Je n'avais plus d'idée. J'ai demandé aux autres de me parler. Ils ont des vies qu'on doit pouvoir raconter. Je me disais. Les autres. (...) Ils ont deux types d'excitation. Une vague, brutale qui les terrasse de désir brut. Trop forte, elle occulte l'autre vague, lente à venir.
Qui apparaît parfois, au bout de deux-trois heures. Qu'ils aient joui ou pas, il se passe des choses après deux-trois heures. Des caresses ordinaires, là les bouleversent, un baiser dans le cou. Alors qu'au début ils n'ont qu'une hâte. Qu'on leur touche le sexe. Quand le temps a passé, ils découvrent et préfèrent même, les bisous dans le cou. Une fois calmés, la pornographie permet d'accéder à ce deuxième degré.
Je continue ? " C. A.