Les oiseaux et leurs chants liés au passage des saisons, les oies sauvages et leurs envols dans les cieux, les lucioles incarnent ce sentiment de l'éphémère qui aurait pu durer mais qui n'est déjà plus.
On ne peut mieux dire les livres de Diane de Margerie qu'en la citant tant son intelligence de la vie, sa liberté de penser, sa « passion de l'énigme » se retrouvent en toutes choses, dans le brin d'herbe le plus délicat de ce bestiaire japonais comme dans le cri strident de l'oiseau qui s'enfuit. C'est, dans ces pages où s'entrelacent la méditation de Diane de Margerie sur le monde animal japonais, estampes et haïkus du patrimoine classique, la même élégante et surprenante énergie de vie intense, lucide et enchantée.
« Immuable ? Qui a dit immuable ? Elle n'est jamais la même. Je l'ai vue transparente, son toit vert suspendu dans le givre ; je l'ai vue luisante et noire et nue comme le dos d'un dauphin bondissant ; je l'ai vue poreuse, ravagée, grise de bruine comme une série de cavernes grignotées par la mer ; je l'ai vue telle une pieuvre lumineuse, les bras prédateurs, avide et blanche de soleil ; je l'ai vue droite et pure comme une falaise à pic. Peut-être est-ce à cause de ces incessantes métamorphoses que, sans pouvoir en préciser l'instant, je me suis laissé prendre. Parce qu'elle n'est jamais la même. Seuls les lieux ne cessent de changer. Les êtres ont beau avoir des facettes multiples, si bien qu'il leur arrive de ne pouvoir s'y reconnaître eux-mêmes, ils ne sont pas, à chaque instant du jour, capables de changements qui ont la force, la durée, la légèreté et la violence des métamorphoses séculaires. Le seul fait de savoir que, sans erreur possible, la Femme en pierre me survivra, me rassure ».
Diane de Margerie écrit dans un éblouissement sa passion pour la cathédrale de Chartres. La pierre ici est métaphore de vie.
Ce livre fut le premier de la collection "L'un l'autre" de J.-B Pontalis.
«Elle n'est jamais la même. Je l'ai vue transparente, son toit vert suspendu dans le givre ; je l'ai vue luisante et noire et nue comme le dos d'un dauphin bondissant ; je l'ai vue poreuse, ravagée, grise de bruine, comme une série de cavernes grignotées par la mer ; je l'ai vue telle une pieuvre lumineuse, les bras prédateurs, avide et blanche de soleil ; je l'ai vue droite et pure comme une falaise à pic. Peut-être est-ce à cause de ces incessantes métamorphoses que je me suis laissé prendre.»Diane de Margerie.
«Sur la plage, à Cargèse, le temps ne cesse de changer. Des vagues se forment et se brisent avec fracas. Des enfants ont pris trente-quatre méduses qu'ils vont faire sécher au soleil en poussant des glapissements de joie. Il est déjà cinq heures du soir. Le soleil est plus fort que jamais et je réfléchis à mon texte:quel titre employer:Enquête? Énigme? Ce n'est pas la même chose; la première exige l'investigation, la seconde sous-entend le goût du mystère, mais je n'ignore pas combien les contradictions se complètent.» Diane de Margerie.
Quelques instants et voilà que la vie craque sous son écorce de mensonges. Duplicités raconte ces failles révélatrices : quinze vignettes, quinze coups de couteau : une petite fille découvre sa vérité en d'étranges rites ; un amant arrive en retard : tandis que grince l'ascenseur, la femme est lassée de son amour. Un homme ment sur son âge et perd ainsi la passion qu'il aurait pu inspirer. Un maître d'hôtel pervers et menteur initie une jeune fille au monde ambigu du regard : une complicité naît entre eux, faite d'amour et de haine. La volière reprend le thème des rapports de force : une femme se languit en province d'avoir dû quitter son premier amour : qui donc lui a volé sa jeunesse et sa vie ? Fort bien accueillis par la critique, ces récits témoignent de la passion portée par Diane de Margerie au texte court et visuel.
L'auteur donne d'Edith Wharton une autre image que celle de la riche femme de lettres comblée : celle d'une femme blessée et révoltée par l'hypocrisie de la société qui l'entoure, qui dénonce dans son oeuvre avec ironie et férocité la médiocrité des amours illusoires, l'évolution des moeurs qui sacrifie certaines générations, la rivalité entre femmes, les effets dévasteurs du manque d'amour...
Avec le recul que donne le temps, Diane de Margerie achève ici son enquête autobiographique ; la mort d'un ami aimé, qui ravive les deuils précédents, suscite de nouvelles interrogations : comment intégrer la mort d'un amour dans la vie ? Qui fut vraiment l'élément marquant du couple parental ? Lequel des deux a eu plus d'influence, par identification ou défi ? L'enseignement d'une croyance en un seul Dieu peut-elle engendrer une soif d'absolu destructrice ? Où vont nos morts, où se réfugie notre sens du divin ? Ponctué de rêves et de lectures, ce récit tend vers une sérénité lucide où le tissu déchiré de la vie se répare enfin.
« C'est Aurore, future George Sand, qui est l'héroïne de ce livre. Témoin, dès l'âge de quatre ans de scènes familiales violentes, elle est envahie de frayeurs à la pensée des deuils qui l'ont traumatisée et révoltée d'être séparée de sa mère Sophie. A partir de ce premier amour et d'une enfance vécue dans un monde féminin et clos, sans cesse écartelée entre deux mentalités, deux catégories sociales, elle refusera de choisir entre amour et haine, pour former avec sa mère, un couple soudé sur fond de séparations et de tragédies. Si George a tant écrit, c'est pour tisser la trame de la fiction et consoler ainsi Aurore, car si on dit que les larmes de l'enfance ne sont rien, on se trompe. Elles sont aussi amères que celles qui coulent plus tard? » Diane de Margerie
Ses vraies racines, Diane de Margerie - dont l'enfance fut ballottée aux quatre coins du monde -, les a trouvées très tôt dans la littérature. Romancière, essayiste, traductrice, elle n'a cessé depuis d'y associer sa vie. Quoi de plus naturel de sa part, alors, que de qualifier d' « éclats autobiographiques » la vingtaine d'essais réunis ici sous un titre qui exprime si joliment ses rapports avec un certain nombre d'écrivains oe
Mais ces textes, tissés d'émotion et d'humour, que l'auteur a longuement revus et « chapeautés », balayent plus loin, plus large et plus profond que de simples plongées de la mémoire. Analyses percutantes, ils nous font revisiter des écrivains familiers et deviennent de riches introductions à ceux que l'on ignorait. De Barbey d'Aurevilly à Oscar Wilde, de l'univers familial - terrible - des Brontë, à celui de ces femmes à la fois formidables et fragiles que sont Charlotte Gilman, Edith Wharton, Virginia Woolf, en passant par des ouvrages d'auteurs aussi divers que Suzanne Lilar, Thomas Hardy ou Henry James, Diane de Margerie nous offre des instantanés révélateurs d'une oeuvre, voire d'une existence.
Un vrai bonheur de lecture pour tout « voyeur » littéraire que ce livre qui est aussi et ce n'est pas son moindre intérêt -, un véritable ouvrage de référence.
Diane de Margerie a vécu son enfance et son adolescence en Chine, mais c'est au Japon en vérité qu'elle n'a cessé de naître. La preuve en est dans ce riche inventaire littéraire et sentimental, dans ce retour sur les êtres et les oeuvres qui l'ont souvent nourrie. Ils sont tous au rendez-vous, ces auteurs superbement japonais, à la fois poétiques et cruels - et constamment tourmentés -, qu'ils s'appellent Yasunari Kawabata, Kenzaburô Ôé, Yukio Mishima, Natsume Sôseki ou Junichirô Tanizaki. Et surtout Murasaki Shikibu, cette femme du xe siècle prodigieusement moderne, l'auteur du plus séduisant des romans dont la lecture pourrait suffire à accompagner une existence entière - vouée au songe.
On ne raconte pas un éventail, on l'ouvre et on se délecte du contenu de ses feuilles, qu'elles soient nouvelle, fait divers, exercice d'admiration, regards sur le théâtre Nô ou les estampes érotiques. Diane de Margerie partage avec ces écrivains et artistes la certitude qu'il y a toujours un sens caché derrière les apparences, que l'antérieur explique souvent mieux la réalité présente, et que la véritable nécessité de tout créateur est d'aller à l'extrême de soi-même.
À travers les visions de l'enfance, la découverte des sens, des paysages, de l'exotisme, à travers deux mariages, les enfants et les livres écrits, une existence se cherche et s'interroge sur la vérité de l'amour, la nécessité de créer, les mécanismes de la mémoire, la présence des morts.«Il faut partir en quête, si l'on veut parvenir à la vérité, vers ces associations mystérieuses qui dépendent à peine de nous-mêmes mais où réside notre secret - qui ont tissé notre amour, mais aussi qui l'ont défait. Qu'une plus grande clarté soit notre bien le plus précieux, qu'elle vaille la peine de tout risquer.»
« Je me demande si vous avez besoin de vos lecteurs ? Recevez-vous des lettres de prostituées, de bourgeoises, de meurtriers en puissance, de femmes agressées, de filles qui ont échappé au triste sort de votre héroïne ? Ou bien vous suffit-il de mijoter dans votre sombre fait divers, d'imiter devant votre glace le geste de l'étrangleur, de rêver devant la vitrine d'un bijoutier pour décrire l'orient des perles ? Où est votre vraie vie ? Dans votre vie quotidienne que j'ignore ou dans celle de l'assassin avec le récit achevé, publié, qui circule à présent - je vous le souhaite - chez les libraires ?
Je sens que ma lettre sera longue : j'avoue qu'elle me sert à préparer nos retrouvailles. J'aurai lu votre roman, vous aurez lu ma lettre ; nous serons à égalité. Et puis je vous ai prévenu, je suis votre lectrice mais vous devenez mon lecteur. »
«Réunis, ces deux récits que cinq ans séparent dessinent toute une trajectoire.Dans la spirale, écrit tantôt à Chartres, tantôt aux Antilles, véritable dialogue avec les morts, retrace l'image du couple parental disparu : on oublie trop souvent qu'un père et une mère ont été, eux aussi, des enfants. Des scènes insolites et décapantes, empreintes d'humour et de compassion, évoquaient les difficultés du deuil, le besoin d'exprimer la douleur liée à son ambiguïté, le désir de quitter la fiction pour l'autobiographie qui, seule, délivre, sans tabous ni transposition romanesque.Quête-enquête qui se poursuit dans Maintenant, avec la rupture d'un amour qui pourtant perdure au-delà des obstacles, la joie réparatrice que procure la vie à travers ses facettes : enfants, jardins, renaissance de la nature ; avec, aussi, l'importance de la nuit d'où naît une vie seconde.Parler de soi et des autres par petites touches, capter la vérité vécue sans vouloir l'étouffer, tel est le mouvement de ce diptyque qui traverse le temps pour tenter d'apprivoiser, par étapes, la sérénité intérieure. Deux livres ouverts, loin des certitudes, sur l'amour et la mort.»Diane de Margerie.
Une lecture de l'oeuvre de M. Proust à la lumière de sa relation avec son frère cadet, Robert. D. de Margerie perçoit, malgré une absence totale de ce frère dans l'écriture, sa présence comme un double qui guette sans cesse le narrateur.
«Au cours des derniers mois de sa vie, ma mère avait placé un portrait d'elle, petite fille, en face de son lit : Comme c'est étrange de s'aimer à nouveau à travers un portrait de soi enfant, disait-elle, rejoignant ainsi, dans ce tête-à-tête, le dialogue de l'écrivain avec ce qu'il était.» La mort rapproche de l'enfance : elle est, dans ce livre, le grand révélateur.Dans l'éclat d'une série de scènes insolites et décapantes, où l'humour se mêle à la compassion, Diane de Margerie se livre à une enquête sur les siens, sur les «mots» du père, sur les frustrations et les désirs des femmes de la famille dont elle se voudrait le scribe. Écrit dans la solitude, mais en compagnie des documents et photographies qui ressuscitent le passé et dont elle n'a pu se séparer, l'auteur recompose les vies dont elle est issue. Loin du non-dit et des tabous, elle accepte d'affronter ici une recherche presque violente de la vérité.Si Pierre Loti, dans un étrange lapsus, écrivait : «Ma mère vient de m'ouvrir», au lieu de : «Ma mère vient de mourir», à travers la blessure d'un triple deuil, Diane de Margerie accomplit son trajet : il faut comprendre, pour sortir de la spirale, que les parents, eux aussi, ont été des enfants. Alors s'abolit ce qui sépare les vivants et les morts.
Clara Savelli a perdu ses parents dans la tourmente des années 40 en Chine. Enfant, elle revient en France avec Drusiane, la soeur de sa mère. Les deux femmes demeurent envoûtées par le souvenir cruel de l'Orient. Lorsque Clara comprend le secret lié à sa naissance, l'opacité de l'univers ne fait que s'accroître. Elle se marie avec Ludovic Bersan, pour fuir tout ensemble la violence de son adolescence et un passé dans lequel l'histoire de Tseu-Hi, l'impératrice despote, se mêle à la nostalgie de son père, Jean Savelli, dont la mort n'a jamais été prouvée.
Tous les personnages de ces nouvelles rêvent de devenir quelqu'un d'autre dans un ailleurs luxuriant, végétal, musical, où ce qui les mutile et les tient prisonniers est enfin totalement écarté. Ce sont ici surtout des femmes qui cherchent à débusquer, derrière les apparences, la richesse de ces domaines inconnus. : il y a celle qui est fascinée par les secrets de la photographie ; celle qui vit en symbiose avec son enfant mort-née ; celle qui voit les horreurs qui se trament sur une plage un jour d'été ; celle pour qui la musique prend le visage de l'amour ; ou bien, il y a ces amants qui s'abusent à travers l'absence et leur correspondance, ou encore cet homme qui cherche la paix dans l'abolition stridente du silence absolu. : tous se nourrissent d'illusions qui chantent les fastes de l'imaginaire.
Mais, tout à coup, de façon cruelle, rapide et insidieuse, le chant s'étrangle, le voile se déchire et le rêveur, pris au piège qu'il s'est lui-même tendu se trouve confronté à une vérité bien plus étonnante, tragique et complexe que celle qu'il avait imaginée.
Qu'une petite fille soit fascinée par l'univers pervers d »un vieux maître d'hôtel ; qu'un homme prenne peur d'être envoûté par un appartement où rôde la folie ; qu'une hirondelle incarne une soif d'amour désormais inextinguible ; qu'un ascenseur symbolise le poid des ruptures. Hommes et femmes se débattent, confrontés par l'hypocrisie ou l'inévitable duplicité des situations. L'ambiguïté est logée dans ces petits drames quotidiens comme le ver dans le fruit ; la pureté, refusée même à l'enfant puisqu'il rêve d'être un autre ; refusée aux amants que l'expérience sépare au lieu de rapprocher. Quinze failles, autant de cruelles vignettes qui laissent entrevoir les contractions et les blessures d'une vérité implacable, multiple, parfois meurtrière.
Quoi de plus lancinant que ce qui aurait pu être ? Comment la mémoire peut-elle guérir la déchirure ?