L'escalier des heures glissantes est l'histoire d'un banquier français, bon chic, bon genre, plongé soudain dans les plaisirs sans complexe de la jeunesse romaine.Roman au ton taquin, moqueur et divertissant, c'est un cousin issu de germain, façon XX? siècle, des contes libertins du XVIII? siècle. L'allégresse y a droit de cité, et la satire. Sous son ton frivole et désinvolte, c'est aussi un conte philosophique dans la tradition, développant, avec légèreté et mine de rien, une théorie de la bisexualité (quasi universelle).C'est également un reportage vécu par un promeneur amoureux inlassablement de Rome et de sa vraie vie, hors des sentiers battus par le tourisme pressé. C'est pourquoi l'auteur dit que L'escalier des heures glissantes est un roman-reportage.Un duc français, un garçon des rues romaines découvrent ou révèlent secrets et mystères vieux comme le monde antique, scandaleux ou attendrissants, incroyables ou poétiques... Ceux qui aiment l'Italie ne seront pas forcément d'accord. Ceux qui s'entendent vraiment avec les Italiens auront un sourire complice. Quant aux pharisiens... Éric Ollivier cite volontiers cette phrase d'Alba de Cespedes : «Les hommes qui s'acharnent dans l'absurde tentative de moraliser la vie ne sont pas portés à en jouir : la morale est un châtiment qu'ils veulent imposer aux autres pour les punir d'un plaisir qu'eux-mêmes ne savent pas saisir...»
On ne guérit jamais de son enfance. Éric Ollivier en a pris conscience assez tardivement, et c'est sans doute ce qui fait le charme de son récit. Regardant du haut de sa cinquantaine le petit garçon qu'il a été, il éprouve un certain étonnement à retrouver un être timide et sage, lent et naïf, qui aimerait devenir marin comme son père, cet Arthur imposant qu'il n'a connu que vieux et qui est mort trop tôt.Entrant en veuvage comme on entre en religion, la pieuse Térésa, sa mère, ne vit plus désormais que pour ce jeune fils qu'elle veut protéger de tous les dangers, y compris celui de la mer qui a tué son mari. Mais le personnage le plus envoûtant dans cette galerie de portraits brossés d'un trait vif, c'est la Bretagne que le jeune narrateur découvre très tôt avec ravissement.
Il y a mille manières d'aimer Venise, et il est deux manières d'en parler. Avec solennité, ou sur un ton naturel. Éric Ollivier, qui a choisi le second registre, rassemble ici ses impressions après les nombreuses promenades du rêveur solitaire qui l'ont conduit, depuis des années, dans cette cité sans pareille.
Il propose ses balades à trois l, les sensations successives que lui ont procurées les saisons changeantes... Il développe des thèmes distincts qui se rejoignent dans un ample finale spontané et quotidien.
Résistant à la tentation littéraire , Éric Ollivier esquisse des images sans les endimancher, en hommage à la seule ville qui soit aussi une idée, puisqu'elle pourrait exister uniquement dans l'imagination des rêveurs enchantés.
Ce n'est pas un guide, mais une confidence à voix éprise.
« Avant de m'éloigner pour toujours, j'ai rassemblé un certain nombre de moments de ma vie. Longue. J'ai tiré une conclusion qui pourra être utile à mon prochain : nous sommes en grande partie déterminés. Seuls les êtres exceptionnels peuvent vraiment agir sur leur destinée. Je ne suis pas de ceux-ci. Je sais, certes, que je fus singulier, mais sans y être pour grand-chose. D'où mon immense gratitude envers le Ciel. »E. O.
Ce livre n'est pas seulement, le moins prévenu des lecteurs s'en douterait, une lettre à un genou - mais aux deux genous et aussi aux yeux, au nombril, aux pieds (longue plainte car ils sont fatigués...). L'auteur, d'ailleurs: "J'étais parti d'un entretien avec mon genou, l'innocence même, et j'en suis à considérer la cruauté du monde." Merveilleux.Prétexte, donc, le genou pour Eric Ollivier qui fait le tour de son corps à dessein de se parler... Monologue d'un grincheux averti, d'un rebelle-né qui s'en prend à la vie contemporaine, à ses travers, ses tics, ses malfaisances... Sans illusion sur la condition humaine et sur le monde, Eric Ollivier, sceptique actif, morigène, fulmine et déplore, ce qui ne l'empêche pas de proposer mille réformes à l'avènement desquelles il ne croit pas. Alors il sourit, ce misanthrope voudrait les hommes autres qu'ils sont et, ici dans cette Lettre, porte encore plus loin l'art de vivre que, moraliste à la façon de Montaigne, il avait développé dans La loi d'exil, son livre précédent.Amusant et grave, quelquefois douloureux, riche de fulgurations, cet essai donne à l'anatomie une place que la littérature, à l'ordinaire, lui mesure... On s'en réjouit.
Comment ne l'aimerait-on pas, ce recueil de chroniques qui sont autant de scènes, saynètes, croquis, tableaux et tableautins, choses vues et vives, amorces de fables et souvent la fable même, ou, même, un hymne pour dire, décrire, raconter, évoquer, admirer, louanger et, quelquefois, plaindre le royaume animal en ses sujets divers et si proches de l'homme que sont le chat, la pie, la poule, le chien, le lapin, le coq, le merle, le cheval et l'âne, voire la belette...?Voici un livre plein d'animaux (mais une chatte y reconnaît toujours ses petits), d'arbres (ah, l'olivier d'Ollivier...), de campagne, d'herbes et d'horizons - mais la ville n'est pas absente chez ce Parisien d'Ollivier -, un bestiaire, donc, que traversent François Mauriac, Louis Guilloux, Pierrette Fleutiaux, Tchekhov, Giono (souvent), et Bourget et Barrès - d'autres encore. Malice que ce livre où les hommes, fussent-ils ceux que nous aimons le plus, ceux de notre famille, ne sont pas ce qui compte, pour une fois, mais des comparses qui se donnent à entrevoir à la façon des animaux à la course ou des oiseaux à tire-d'aile, fugitifs, pressés, expédiés, pour laisser place à l'essentiel, qu'on a dit, savoir les bêtes.Y.B.
Stendhal assurait n'avoir durabelement aimé que Saint-Simon et les épinards. "Né frugal", Eric Ollivier ne s'attarde pas sur ses préférences culinaires. Au reste, les vraies, les seules nourritures de sa vie sont les livres, et s'il est devenu écrivain, c'est plus par amour que par vocation. Un amour qui, d'ailleurs, s'apparente davantage à celui du patriote qu'à celui du supirant: "Si l'on me demandait à quel milieu, à quel peuple j'appartiens, je répondrais sans hésiter que j'appartiens à la civilisation des livres, à elle seule, qu'elle est ma nation..." Livresse, en un mot.Mais, de même que le style c'est l'homme, le livre c'est l'auteur. Dès son adolescence, Eric Ollivier a cherché à connaître ceux dont il admirait les oeuvres: Montherlant, Cocteau, Jouhandeau, Camus, Sartre, Mauriac surtout dont il devint le secrétaire après l'avoir abordé, tout à trac, sur une avenue sombre et déserte. Ces rencontres nous valent une série de portraits souvent tendres, parfois acides, toujours drôles, que dominent deux belles figures tôt disparues, celle presque sacralisée de Roger Nimier, et celle injustement oubliée de Stephen Hecquet.Devenu, à son tour, une figure parisienne des lettres, Eric Ollivier n'en est pas moins demeuré le lecteur ébloui qu'il était dans son enfance bretonne. Un lecteur dont la modestie s'embresse de prévenir les louanges que l'écrivain mértie: "Jules Renard conseille de toujours lire au-dessus de soi-même, c'est fort aisé dans mon cas." L'utile leçon de lecture que nous donnent Les Livres dans la peau se double ainsi d'une rare leçon d'élégance.
Il n'est pas nécessaire, pour connaître la condition du banni, d'être chassé au loin, il suffit de tomber de quatre étages, d'être chassé de la maison-tanière où l'on a vécu près de quarante ans, et où l'on s'attendait à mourir. Arraché à ses rites et à ses ombres, on n'est plus qu'un naufragé sans espérance.Pour un écrivain, l'épreuve est encore plus rude : il n'avait jamais pu écrire ailleurs que devant une fenêtre perchée sur les toits. L'adieu aux aîtres est également un adieu aux livres. La plume est bloquée à jamais.Jusqu'au jour où, deux ans après ce coup sur la tête, pour secouer cette mélancolie dangereuse qui le détruit peu à peu, il tente de récrire, comme un invalide, arrachant ligne après ligne aux pesanteurs de la loi d'exil.La vie a repris, vaille que vaille, un peu d'air y pénètre grâce à cette médication de l'écriture. Quand le livre est achevé, l'écrivain est redevenu presque libre.Reste que la vieillesse s'était glissée parmi les caisses du déménagement : c'est elle qu'il faudra, "à l'avenir" (mot de dérision), affronter.Voici un récit sobre et sans complaisance. L'insouciance d'une vie se paie au dernier guichet.