« Dix thèses pour Tchernobyl. Adresse amicale au 6e congrès international des médecins pour l'empêchement d'une guerre nucléaire?» (juin 1986) présente un condensé des principaux arguments de la morale à l'âge atomique de Günther Anders. Sa critique de la modernité technique met l'accent sur notre incapacité morale et politique à appréhender la dérive tragique des conséquences de l'usage de la puissance nucléaire, à des fins militaires et civiles. Ce texte décrypte les principales raisons de notre aveuglement. La présentation de ce texte revient sur ses conditions de maturation dans la pensée d'Anders. Le commentaire met en perspective cet article, en insistant sur le décalage entre nos représentations politiques de la menace atomique et la vulnérabilité de notre condition moderne.
Ce recueil de textes - qu'Anders dit avoir longtemps songé à intituler « L'Obsolescence de la Terre » - prolonge la réflexion sur le rapport de l'homme au monde technique initiée par le premier tome de L'Obsolescence de l'homme (1956). Il porte sur un projet particulier : les vols spatiaux à destination de la Lune. S'intéressant de près à l'histoire des vols spatiaux et à la dimension mythique de la conquête spatiale, Anders montre que ce qui est décisif dans ces vols, ce n'est pas tant qu'ils aient permis de voyager dans l'espace et d'aller sur la Lune mais qu'ils aient offert « pour la première fois à la Terre la chance de se voir, de se rencontrer ». Jusqu'alors voir « notre Terre natale comme étant un objet céleste parmi d'autres objets célestes » exigeait de passer par un acte d'abstraction ou d'imagination. Désormais nous n'en avons plus besoin.
En réduisant le décalage entre ce dont l'Homme avait rêvé (de Cyrano de Bergerac à Hergé en passant par Jules Verne) et ce qu'il peut désormais faire, ces vols spatiaux ont créé un nouveau « décalage prométhéen », touchant aux limites de son imagination.
Vue de la Lune invite à porter un regard critique et renouvelé sur notre condition humaine et terrestre. Avec en filigrane cette question : à quoi cela peut-il bien servir d'aller sur la Lune ?
" tout le monde est d'une certaine manière occupé et employé comme travailleur à domicile.
Un travailleur à domicile d'un genre pourtant très particulier. car c'est en consommant la marchandise de masse - c'est-à-dire grâce à ses loisirs - qu'il accomplit sa tâche, qui consiste à se transformer lui-même en homme de masse. alors que le travailleur à domicile classique fabriquait des produits pour s'assurer un minimum de biens de consommation et de loisirs, celui d'aujourd'hui consomme au cours de ses loisirs un maximum de produits pour, ce faisant, collaborer à la production des hommes de masse.
Le processus tourne même résolument au paradoxe puisque le travailleur à domicile, au lieu d'être rémunéré pour sa collaboration, doit au contraire lui-même la payer, c'est-à-dire payer les moyens de production dont l'usage fait de lui un homme de masse (l'appareil et, le cas échéant, dans de nombreux pays, les émissions elles-mêmes). il paie donc pour se vendre. sa propre servitude, celle-là même qu'il contribue à produire, il doit l'acquérir en l'achetant puisqu'elle est, elle aussi, devenue une marchandise.
" " le monde comme fantôme et comme matrice ".
+ Enfin traduit en français, ce livre mythique de l'immense Günther Anders, son unique écrit romanesque. Très attendu !
+ Premier livre d'une nouvelle collection dirigée par le collectif Illusio, qui anime la revue du même nom et est en France le principal héritier de l'École de Francfort.
Les lecteurs de Günther Anders connaissent déjà la Molussie, pays imaginaire auquel il fait souvent référence dans ses ouvrages philosophiques.
Il s'agit d'un pays totalitaire où, dans les sous-sols de la prison d'État, des détenus se transmettent de génération en génération un savoir exposé sous forme d'histoires - jusqu'au jour où il pourra remonter à la surface et éclairer celles et ceux qui seront enfin prêts à l'entendre.
Seul grand écrit romanesque d'Anders, achevé en 1938, La Catacombe de Molussie est un mélange de littérature et de philosophie unique en son genre. Élaborées hors du temps, dans l'obscurité d'une cellule sans fenêtre, les histoires qui composent cette dystopie doivent autant à Brecht qu'à Swift, tout en rappelant Kafka et en annonçant Orwell. À travers la description de la Molussie, l'auteur révèle les dispositifs d'aliénation, de mise au pas et de propagande à l'oeuvre dans la société industrielle et coloniale de son époque.
Il y pose les bases de sa critique de la société de consommation, dont il ne cessera de dénoncer le totalitarisme à partir des années 1950.
Traduit pour la première fois en français, ce texte d'une admirable lucidité apporte un nouvel éclairage pour comprendre non seulement les dérives et travers de notre monde, mais aussi l'oeuvre d'un des penseurs majeurs de la technique et de la culture de masse.
Les deux lettres ouvertes de günther anders adressées au fils d'adolf eichmann constituent un petit traité, avec mode d'emploi, sur la condition humaine aujourd'hui, considérée sous l'angle d'une catastrophe à répétition, qui entraîne l'obsolescence toujours croissante de l'humain lui-même.
L'homme apparaît ici, de nouveau, comme le détenteur d'une capacité de production infiniment supérieure à sa capacité de représentation, et tout aussi bien à sa capacité de sentir. dans ce contexte, l'idée même de responsabilité se trouve profondément atteinte ou profondément pervertie, de sorte que nous sommes tous, d'une manière ou d'une autre, des enfants d'eichmann. plus exactement, nous sommes tous devant un choix comparable à celui auquel günther anders confronte le destinataire de ses deux lettres : le choix de la continuité ou de la rupture.
Un choix d'autant plus urgent que se réduit de jour en jour la marge de jeu dont dispose l'humain dans le monde tel qu'il devient.
Günter Anders était, comme il devait le rappeler lui-même, un penseur chassé de toutes les frontières et c´est à partir de cette condition que nous pouvons comprendre une vie intellectuelle inquiète qui a traversé les événements, souvent dramatiques, d´une grande partie du siècle dernier. De cette situation, Anders réussit à produire une réflexion intellectuelle très riche, fondée sur une base théorique d´une grande importance, à partir aussi d´une formation philosophique qui a vu une comparaison variée avec la phénoménologie, l´anthropologie philosophique (dont il peut être considéré comme l´un des premiers et des plus radicaux représentants), l´existentialisme, l´éthique technologique. Ce recueil de textes, notamment de jeunesse, veut permettre d´approcher la figure d´un penseur qui offre encore aujourd´hui des pistes importantes pour pouvoir réfléchir de manière critique sur la dynamique de la civilisation technologique et sur les enjeux environnementaux de plus en plus urgents.
Ce livre instaure un débat, dans la société allemande des années 80, autour du pacifisme et de la lutte contre la nucléarisation du monde. S'il s'inscrit dans l'après Tchernobyl, ses conclusions, l'impossibilité de ne pas recourir à la violence comme légitime défense, dépassent de loin le cadre de sa publication initiale.
Qu'il s'agisse de Fukushima, qui est une réalité et non un symbole, ou de tout autre projet destructeur en provenance de l'industrie et de l'État réunis en consortium, ces pages sont d'une indéniable actualité.
Le livre intègre toutes sortes d'objections et de contributions adressées à Günther Anders lors de la parution d'un premier article. Il est également constitué d'entretiens, réels ou fictifs, dans lesquels on découvre un Anders politique, non seulement un critique radical de l'État mais aussi un auteur capable de provoquer une société entière pour l'inviter à réagir.
Il s'inscrit dans la suite de Hiroshima est partout, de La Menace nucléaire et ce titre, il vient heureusement compléter les textes déjà traduits en français et introduire en France les termes d'une discussion qui n'y a guère été menée.
Soixante ans après Hiroshima, comment penser l'usage de la technique par l'homme, le risque, la responsabilité, la précaution qui en découlent ? Quelques années après l'explosion de la bombe atomique, Günther Anders livrait un texte précurseur : il relate sa visite au Japon, dialogue avec l'un des pilotes de la flotte qui largua la bombe, et réfléchit plus largement sur la folie de la guerre au XXe siècle. Un essai fondateur pour la mouvance antiatomique, mais aussi une réflexion propre à alimenter les interrogations contemporaines sur le risque.
Ce volume est constitué de textes, réunis par Anders en 1984, portant sur l'art et la littérature. Ce sont des textes de différentes époques (le plus ancien, l'étude consacrée à Berlin Alexanderplatz, date de 1931, le plus récent, une étude des 87 paraboles de Brecht regroupées sous le titre Les Histoires de Monsieur Keuner, date de 1979) mais renvoyant tous à des écrivains et artistes représentant une certaine modernité littéraire et artistique. Cette modernité, Anders ne se contente pas de souligner les ruptures formelles qui la caractérisent. Ces oeuvres ne sont pas pour lui des objets contingents. L'étude consacrée à Berlin Alexanderplatz est autant une contribution à l'anthropologie philosophique qu'une étude littéraire et contient déjà des éléments du premier tome de L'Obsolescence de l'homme ; l'étude consacrée aux paraboles de Brecht - sur lesquelles s'était déjà penché Walter Benjamin - est menée par le fabuliste auquel on doit tant de « paraboles » molussiennes.
Que l'homme soit « sans monde » renvoie pour Anders à plusieurs niveaux d'approche : les « Hommes sans monde » sont d'une part les pauvres, les précaires et les chômeurs dans la société capitaliste, mais ce sont aussi tous les hommes en tant que par essence, ils sont « non fixés» et devant « à chaque époque, en chaque lieu, voire jour après jour » se donner un monde. La perspective historique de cette anthropologie philosophique, dont Anders rappelle ce qu'elle doit à Marx et en quoi elle s'inscrit en faux contre l'être-au-monde heideggérien, donne son style singulier à la critique andersienne et s'inscrit dans le sillage des travaux de Max Scheler et Helmuth Plessner. Enfin, la problématique de l'Homme sans monde prend un nouveau sens à l'époque du multiculturalisme, où intériorisant tant de mondes différents, l'homme n'a finalement plus de monde propre.
À une introduction succèdent cinq «chapitres» regroupant des études consacrées à trois écrivains (Alfred Döblin, Bertolt Brecht et Hermann Broch) et deux artistes (John Heartfield et Georg Grosz). À l'exception de Heartfield, Anders a connu ces écrivains et artistes ou au moins échangé avec eux.
Günther
En 1974, Günther Anders, s'adressant à des non-Juifs, entreprend à la fois de raconter et d'éclairer l'héritage qui fut le sien : fruit de plusieurs générations de Juifs allemands qui avaient cru à l'assimilation, ayant découvert son identité à travers le rejet violent de ses condisciples chrétiens, puis persécuté par le nazisme et exilé définitif, il se décrit comme l'un des « derniers Juifs » ayant regardé l'Allemagne comme leur patrie, « la langue allemande comme la langue, la musique allemande comme la musique ». Résolument sans dieu ni religion, et pourtant ne supportant pas l'idée de renoncer à sa judéité, Anders s'interroge ici sur les conséquences en lui du messianisme et sur la force morale et intellectuelle que la situation des Juifs assimilés donne à des êtres qui ont dû briser les tabous de l'orthodoxie. Cette très belle introspection, reliée à une conscience aigue de l'histoire, le conduit à examiner des thèmes aussi divers que la notion de « peuple élu », son aversion pour les icônes ou les risques du projet sioniste.
Ce volume, constitué de plusieurs textes, comprend également une nouvelle intitulée Learsi (anagramme d'Israël), fable philosophique comme les aime Anders, dans laquelle son héros, Learsi ne parvient jamais à se faire une place dans le pays étrange de Topilie.
Nous avons également joint en annexe des poèmes et deux lettres : l'une adressée en 1948 à son neveu qui vient de naître à Jérusalem, avec pour instruction de la lire lors de ses 15 ans, et le mettant en garde contre les possibles dérives liées à l'institution d'un État juif ; l'autre datant de 1982 et publiée alors dans la presse, adressée à la communauté juive de Vienne.
La qualité littéraire de ce livre tient au style même de Günther Anders. Le style de sa philosophie tout d'abord, qui, en tant que philosophie de l'occasion, se nourrit des expériences vécues par son auteur et trouve dans le journal une forme - de surcroît très vive et stimulante pour le lecteur - qui lui convient parfaitement. Le style de son écriture ensuite, qui, travaillant dans l'épaisseur de la langue allemande et maniant de façon virtuose les ressources de la rhétorique, confifi rme une fois de plus qu'Anders n'est pas qu'un grand philosophe mais aussi un grand écrivain.
Sa qualité scientififi que tient paradoxalement à la façon personnelle et sentimentale dont il aborde son objet. Au lieu de parler directement des camps d'extermination, il en parle indirectement, en évoquant l'état d'esprit dans lequel se trouvaient les Juifs allemands que les nazis ont projetés d'exterminer et en décrivant les effff ets de la Shoah sur la ville et la région de Wroclaw.
Cette façon de tenir compte, loin de toute approche positiviste, de la nature même de son objet, fait toute la singularité du livre.
La façon singulière dont il traite son objet et sa qualité littéraire font de ce livre tout autre chose qu'un livre de plus sur la Shoah. Sa publication viendra en outre enrichir la connaissance que le public français a de l'oeoeuvre d'Anders. Il dispose maintenant des deux tomes de L'Obsolescence de l'homme (Encyclopédie des nuisances/Ivrea, 2002 et Fario, 2011), d'Hiroshima est partout (Seuil, 2008) (et de La Menace nucléaire, Le Serpent à plumes, 2006).
À cette date, c'est surtout à travers ce qu'il a écrit sur la bombe atomique qu'on connaît Anders en France. La traduction de Besuch im Hades permettra de faire connaître une autre partie de ce qu'Anders appelait son « encyclopédie du monde apocalyptique », celle qui concerne les camps d'extermination nazis.
Les deux tomes de L'Obsolescence de l'homme, parus en France en 2002 et en 2011 nous ont permis de découvrir en Günther Anders l'un des penseurs les plus importants de la technique. Alors que le troisième volume de L'Obsolescence de l'homme est en préparation, d'après les notes laissées par l'auteur avant sa mort, Besuch im Hades, paru en Allemagne à la fifi n des années 1970 et jamais traduit en français apparaît comme une tentative originale et courageuse de compréhension et d'interprétation des deux événements essentiels du XXe siècle que sont « Auschwitz » et « Hiroshima ».
À son retour d'exil, Günther Anders fait face à ce qu'il estime le plus urgent dans l'ordre des priorités : l'état du monde et la menace que représente la destructivité humaine sous les espèces de la technique et de l'atome. Mais s'il a renoncé à toute carrière universitaire, il n'en demeure pas moins tenté par les « démons de la philosophie ». Engagé dans son oeuvre d'anthropologie philosophique à l'ère technologique tout autant que dans son activité militante, il cherche néanmoins à leur faire place. À les tromper ; il leur destine des « feuilles volantes » : « Et à chaque fois qu'ils [les démons] regardent par-dessus notre épaule, il faut les prendre en notes. Alors ils deviennent supportables. Ils se laissent abuser par ces sténogrammes. » L'ouvrage, paru en 1965, se présente donc sous la forme d'un recueil d'aphorismes, ou sténogrammes, qui vont de la phrase à quelques pages, sans logique apparente dans leur classement et tous munis d'un titre. L'intérêt de l'ouvrage est d'être relativement facile d'approche, assez court, moins difficile que ses ouvrages théoriques, moins déroutant que ses autres textes littéraires.
Le génie d'Anders consiste à prélever dans son quotidien une scène, un détail apparemment anodin, pour le relier à un fait historique ou à une tendance lourde de l'évolution de la société. Le procédé rappelle par moment les aphorismes de Nietzsche, de Lichtenberg ou encore les moralistes français du dix-septième siècle.
Si le lecteur assidu de Anders reconnaît aisément certains de ses thèmes de prédilection et en quelque sorte y trouve leur confirmation sous une forme tantôt ludique tantôt ironique voire acerbe, pour le lecteur néophyte l'ouvrage est une introduction idéale à son oeuvre.
Günther Anders (de son vrai nom Günther Stern) fut formé par la musique et les beaux-arts qu'il pratiquait lui-même activement. S'il n'est pas devenu musicien, ses expériences ont marqué sa pensée et nourri sa réflexion philosophique ultérieure. En témoignent les « Recherches philosophiques sur les situations musicales » (1930-1931), projet de thèse d'habilitation demeuré inédit, qui porte l'influence de ses professeurs Edmund Husserl et Martin Heidegger. Les écrits rassemblés dans cet ouvrage constituent l'une des toutes premières réflexions phénoménologiques appliquées à la musique, avant que le philosophe ne se tourne vers une approche sociologique, présentée dans la seconde partie du volume. « Qui la musique socialise-t-elle ? Qui est-elle censée toucher, et à l'initiative de qui ? Qui la reproduit ? » Anders s'intéresse à la transformation de l'être dans l'expérience d'écoute.
cet essai devait à l'origine figurer dans le troisième volume de l'obsolescence de l'homme, oeuvre maîtresse de günther anders, volume qui n'a jamais vu le jour.
ce texte à demi dialogué, on pourrait dire théâtral, se montre riche en aperçus de tous genres, sous-tendu par une dialectique toujours surprenante. un essai magistral, pratiquant l'exagération et le paradoxe comme sources d'insurrection permanente contre une époque glaciaire. un texte classique au sens fort : à lire en classe, pour l'instruction des générations qui viennent.
Si l'un des gestes les plus significatifs de Günther Anders fut d'accepter de sortir du langage technique de la philosophie académique en raison de l'urgence qu'il y avait à penser et à intervenir devant la destruction à l'oeuvre dans le siècle, on aurait tort d'oublier que sa conception de l'obsolescence de l'homme repose d'abord sur une tentative de discernement de ce qu'est cet humain qui n'a plus cours.
Le présent volume se présente donc comme prolégomènes et socle de ce qui deviendra la critique impitoyable de son époque, qui est aussi la nôtre.
L'anthropologie philosophique dont il est question ici, dans le sillage de Max Scheler et de Helmut Plessner est une façon d'échapper à l'analytique existentiale de Heidegger. À la différence de l'animal, immergé dans un monde qui lui est donné comme un matériau a priori, l'homme, d'abord sans monde, « libre de monde », n'accède à un monde qu'après coup, en devenant homo faber et en construisant a posteriori le monde qui lui manque.
Absolument libre, cet homme fait en même temps l'expérience d'une absence irréductible de liberté. S'il peut disposer librement de son moi, le fait d'être ce moi le dépasse. Il est irrévocablement lui-même et personne d'autre, mais cette existence en tant que moi est en même temps hautement contingente. D'où un problème d'identification avec soi.
Chez l'athée qu'est Günther Anders, l'homme ne se sauve pas de ces tentatives d'identification ratées par un saut dans la foi, à la manière de Kierkegaard, mais par un saut dans l'action. Penser l'homme comme étranger au monde, comme a posteriori, l'oblige à envisager la relation a priori du vivant au monde et à thématiser un « a priori matérial » qu'il explore à travers des objets comme l'instinct, le besoin, la veille et le sommeil.
Mais le parcours d'Anders ne s'arrêtera pas là, puisqu'il insiste finalement sur les limites d'une telle anthropologie, et remet en cause l'anthropocentrisme dont elle peut procéder. Il ne peut que constater la tension voire la dimension « schizophrénique » dont sera marqué sa pensée, entre une distance envers l' anthropocentrisme et son intérêt fervent pour une humanité parvenue au stade de la survie.
philosophe particulièrement original, günther anders rejette l'esprit de système pour être " philosophe de circonstance ".
les guerres mondiales, la shoah, la menace nucléaire, le pouvoir des médias témoignent du déséquilibre entre la capacité d'inventer qui caractérise l'homme et son incapacité à seulement se représenter les conséquences de ses productions. les bombardements d'hiroshima et de nagasaki infléchiront sa pensée de manière décisive. sa réflexion portera désormais sur l'enjeu planétaire de toute poli-tique.
la " catastrophe " est l'horizon indépassable de notre histoire. propos d'une grande actualité, si l'on songe à la volonté réitérée d'un certain nombre de nouveaux pays de se doter de l'arme atomique.
le temps de la fin, qui date de 1960, souligne ce qu'implique pour les citoyens du monde, le fait d'être " définitivement dans le temps de la fin ".
" "dans le temps de la fin" signifie : dans cette époque où nous pouvons chaque jour provoquer la fin du monde.
-"définitivement" signifie que le temps qui nous reste est pour toujours le temps de la fin : il ne peut plus être relayé par un autre temps mais seule-ment par la fin. "
"J'ai conquis Hannah au bal, avec la remarque faite en dansant que l'amour est un acte par lequel on transforme quelque chose d'a posteriori, l'autre rencontré par hasard, en un a priori de sa propre vie - belle formule qui, certes, ne s'est pas confirmée".
En dénoyautant des cerises sur leur balcon, Günther Anders et Hannah Arendt, jeunes mariés, installés à Drewitz, près de Potsdam, dans les dernières années de la république de Weimar, renouvellent l'expérience d'un "philosopher ensemble", inspiré du romantisme allemand autant que de Platon.