Par une belle journée de juin, deux amis se promènent dans Paris. Ils parlent d'Édouard Roberti, député, marié, père de trois enfants, qui à cinquante ans s'est amouraché d'une jolie secrétaire de vingt-cinq ans, Solange Mignot. Cette liaison s'est terminée au bout de trois ans par un crime. Qu'est-ce que la passion amoureuse ? Jusqu'où peut-elle mener ?
Dès les premières lignes, on est happé par ce grand roman publié à la NRF en mai 1963 ; des critiques soulignèrent que Dutourd inventait une nouvelle forme de roman.
De ce roman, Jean Giono écrivait :"Ce livre a pour plus de cent ans de lecteurs dans le ventre. Jean Dutourd est sans doute le premier grand romancier véritable non seulement de sa génération, mais de bien d'autres." Et Jean Paulhan :"Je suis très bouleversé. Que ce soit une grande chose, pas le moindre doute là-dessus : une grande chose comme personne n'en avait vu depuis longtemps. " André Thérive parle de"chef d'oeuvre insulaire", c'est-à-dire unique en son genre. Et Albert Cohen :"J'en suis enthousiaste. Ce livre est immense, un grand chef-d'oeuvre."
«Certains critiques m'avaient détourné de lire Au bon beurre, laissant entendre qu'il existait, entre Jean Dutourd et le couple immonde qu'il a peint, une obscure connivence. Or, à mesure que, ces jours-ci j'avançais dans le livre, j'éprouvais un sentiment de délivrance : Enfin me disais-je, tout de même, cela aura été dit. Ce couple à qui, plus ou moins, nous aurons eu tous affaire, pendant quatre ans, le voilà dénoncé, exposé sur un pilori qui désormais dominera l'histoire de ces noires années. Que l'auteur de ce beau livre soit un homme courageux, il faudrait pour le nier ne rien connaître de la lâcheté qui, aujourd'hui, incite tant de paupières à se baisser opportunément, scelle tant de lèvres.»François Mauriac.
Jean Dutourd a trente-neuf ans et onze livres à son actif lorsqu'il publie Les Dupes, en septembre 1959. Connu du grand public pour Au bon beurre (1952) et Les Taxis de la Marne (1956), il est alors l'un des écrivains les plus en vue de sa génération. Les Dupes occupe une place à part dans son oeuvre : il s'agit de son premier recueil de nouvelles, un genre qu'il abordera peu mais dans lequel il excellera toujours.
Trois histoires d'inspiration comique composent Les Dupes. Dans la première, Dutourd nous conte les trépidantes aventures d'un jeune homme qui croit qu'on se définit par ses actes : hélas pour lui, tout ce qu'il entreprend tourne toujours à l'inverse de ce qu'il désire ! Détail cocasse : son professeur de philosophie n'est pas sans rappeler Jean-Paul Sartre. La deuxième nouvelle nous montre un révolutionnaire allemand du XIXe siècle qui s'imagine dur comme fer que le monde évoluera dans un certain sens : ses prédictions (et ses rencontres avec Lamartine, Hugo et Clemenceau) ne manquent pas de sel. Quant à la troisième nouvelle, elle relate un étrange tête-à-tête nocturne entre le diable et un athée. Les Dupes s'achève sur un curieux épilogue où Dutourd nous donne à lire un article furibard que la deuxième nouvelle (initialement publiée dans la NRF en 1958) avait inspiré à André Breton : le pape du surréalisme y fulmine admirablement.
En 1959, la critique accueille avec faveur Les Dupes : c'est drôle, alerte et percutant ; Dutourd manie avec brio des registres fort différents ; on passe en sa compagnie un délicieux moment... Dans une lettre à Jean Dutourd, Jean Giono clame son enthousiasme : « C'est une jubilation ! Pourquoi faut-il que ce soit si court ! » Jamais réédité depuis 1959, Les Dupes est l'un des meilleurs livres de Jean Dutourd - et l'un de ceux par lesquels on suggérera volontiers d'aborder son oeuvre.
Nous profitons de cette réédition pour publier en appendice un document récemment retrouvé dans ses archives : une lettre de Breton à Dutourd, datée de 1955, qui jette une lumière vive sur les affres que l'auteur de Nadja traversait à cette époque.
Paris, en 2024. La tour Eiffel est encerclée par des immeubles en aluminium, on ne trouve plus de papeteries, le bois de Boulogne est une jungle, les pigeons ont envahi les gratte-ciel déserts, mais surtout, les femmes ayant cessé de procréer, la «planète des jeunes» est devenue la planète des vieux. Même la Chine ne compte plus que quelques millions d'habitants.Le narrateur, âgé de soixante-dix ans, rencontre dans la rue - spectacle extraordinaire ! - un homme de trente ans, Frédéric Poinsot, père de trois enfants. Il l'aborde et confronte avec lui le présent au passé. Il avait vingt ans en 1974.Dans ce roman visionnaire, on retrouve le Dutourd drôle et féroce du Bon Beurre, minutieux des Horreurs de l'amour, et on découvre un Dutourd inattendu, curieusement attendri par la jeunesse et l'enfance.
«Au mois d'août 1964, pour commémorer la Libération de Paris, France-Soir me demanda un récit de cet épisode auquel j'avais pris part. J'étais ennuyé par les récits officiels en style lyrique qu'on lisait un peu partout. J'écrivis par réaction l'histoire de la Libération telle que je l'avais vécue.Ce petit morceau de littérature réaliste me mit en appétit, et je pensai qu'il serait intéressant de raconter la suite.La paix est bien dure pour un jeune homme qui n'a connu que la guerre, ses violences et ses distractions. C'est l'expérience que je fis, du moins pendant les deux premières années qui suivirent. J'étais marié, j'avais deux bébés, je n'avais pas le sou, je ne connaissais rien du monde. Un caractère ridicule par-dessus le marché, mélange de vanité, de présomption et d'indépendance. Je crois que dans ce livre je me suis montré sans complaisance pour moi et pour mes aventures. Mais peut-être que mon récit intéressera quelques personnes par le tableau qu'il peint des erreurs de la jeunesse.»Jean Dutourd.
La Genèse, qui est le premier livre de la Bible, raconte la création de l'homme et les commencements du monde, mais elle les raconte de façon très laconique.
Par exemple, il n'est dévoilé nulle part quelle espèce de poison renfermait le fruit de l'Arbre de la Connaissance. Il n'est pas montré comment Eve, pour avoir Adam à elle toute seule, le brouilla avec les animaux, la nature et le Créateur lui-même. Quelles circonstances atténuantes Caïn avait-il pour que le Seigneur défendît qu'on le tuât ? Dieu, enfin, après avoir été content de son oeuvre, en a été dégoûté au point de la rayer comme un brouillon par le Déluge et de la recommencer.
Le Livre de la Genèse est particulièrement émouvant en ce qu'il montre comment le Tout-Puissant s'est heurté aux hommes. Ceux-ci, souvent, en dépit de leur foi et de leur amour, lui résistent, discutent avec lui, et il arrive qu'ils influent sur sa volonté. Jean Dutour a en quelque sorte " rempli les blancs " de la bible, c'est-à-dire qu'il a ajouté au récit sacré des détails historiques ou psychologiques, ainsi que quelques raisonnements qui manquent.
Rien n'est changé mais tout est éclairé, tout prend soudain vie, et l'on s'aperçoit que les hommes qui existaient il y a des milliers d'années sont nos pères, presque nous-mêmes. Abraham, Jacob, Joseph, tous ces précurseurs avaient notre cerveau et notre coeur.
L'ascension d'un couple de crémiers cyniques et immondes, les Poissonard. Pétainistes au départ, gaullistes à la Libération, ils ne reculent devant aucune bassesse pour tirer profit de la guerre.
Le couple Poissonard dénonce, exploite sans aucune vergogne, sans aucun remords. Marché noir, trafic, tout est bon pour continuer à s'empiffrer. Et ils sauront, au bout de l'ignominie, retourner leur veste.
Au Bon Beurre est une caricature grinçante des Français sous l'Occupation.
Au Bon Beurre est un roman féroce et drôle.
Au Bon Beurre, le grand roman du quotidien des Français pendant la guerre.
Fervent admirateur de Zola, Remi Chapotot est un romancier médiocre qui jouit malgré tout d'une notoriété certaine. Jacky Lataste, provinciale rêvant de gloire et de lauriers, le repère comme un parti très prometteur ; elle décide de prendre en main sa carrière et obtient finalement son élection à l'Académie française.
Fort de sa réussite sociale, Chapotot se révèle bien malgré lui l'objet de toutes les convoitises féminines: de Mme Petitdider, sa secrétaire qui lui voue une adoration sans bornes, à Jacky, la provinciale qui rêve de devenir sa maîtresse, en passant par Mme de la Bigne, vieille aristocrate tenant salon comme au XIXe siècle, il déchaîne les passions.
Dressant avec humour et subtilité un portrait de l'écrivain dans son milieu, Jean Dutourd brosse un tableau réjouissant du petit monde des lettres et de la critique qui sévit dans la deuxième moitié du XXe siècle. Jouant sur les codes du roman proustien ou flaubertien, il égratigne l'arrivisme de la bonne société parisienne, et nous donne à lire l'un de ses plus délicieux romans.
«La première vertu de ce livre brûlant, c'est l'éloquence. Elle s'exhale d'un coeur en deuil, elle jaillit d'une âme indignée. Je dis bien d'une âme. L'homme de Dutourd a une âme. Il paraît que l'homme aurait une âme. Pas une conscience intellectuelle. Une âme. Qu'il y en aurait de grandes et de petites. On voit que Dutourd ne recule devant nulle nouveauté. N'en doutons plus:Les taxis de la Marne datent un tournant de la sensibilité française.»Alexandre Vialatte.
Il me semble que Pluche, héros de ce livre, est un artiste complet.J'ai tâché de décrire ici, dans tous ses détails, son âme bizarre. Pluche, de surcroît, est un homme de génie, ce qui complique les choses.Le second héros de ce roman est un chien. Bien entendu, il est beaucoup question d'argent, préoccupation majeure des artistes, contrairement à l'opinion courante.
Qui n'a jamais rêvé d'être le témoin de son propre trépas ? De passer de l'autre côté, tout en restant omniscient, à l'image d'un ange errant au purgatoire, à mi-chemin entre la terre et le paradis ? Olivier est de ceux-là.
Défunt depuis huit jours, cet homme de soixante-cinq ans va donc goûter aux joies de l'immortalité, perdre la notion du temps et de la matière, ne garder de ses cinq sens que la vue et l'ouïe. Et aussi rendre une petite visite invisible à sa veuve Marie-Françoise, bien vite remise en ménage, selon lui. Sans oublier cette rencontre pour le moins inattendue avec Hadamas, créature mélancolique au sexe indéterminé, prétendant oeuvrer pour un maître " très important et très puissant ".
Mais qui ?
Edmond Du Chaillu est un charmant enfant. Malheureusement, il a une tête d'épagneul, avec des poils et de grandes oreilles pendantes. Doté d'un coeur humain et d'une âme d'homme, il débute dans la vie avec le poids de cette «fatalité canine». Cela lui vaudra d'être torturé, tant à l'école que, plus tard, au service militaire, et d'occuper une position solide et confortable d'être à part. Cela lui vaudra surtout de connaître, plus que tout autre, la solitude. Ni l'argent ni les chiens ne l'en consoleront. Jusqu'à ce qu'il rencontre l'amour - fou ? - d'une jeune femme de vingt-cinq ans, veuve et sans parents, qui va bouleverser son existence.C'est sur le mode comique que Jean Dutourd choisit de nous raconter cette tragique vie... de chien, symbole de la vie d'artiste.
«J'ai toujours soupçonné que le péché originel avait d'autres causes qu'une misérable curiosité de femme. Pour moi, la vraie cause du courroux de Dieu c'est la pensée de l'homme.» Tel est le sujet du drame en trois journées de Jean Dutourd. Adam pense. Il s' interroge sur Dieu. Sa pensée donne naissance à un arbre dont les racines culbutent les rochers sous lesquels Ie Serpent demeurait cloué depuis sa révolte. Dieu met Adam en garde. Il lui défend de penser et n'exige que l'Amour. Mais Adam trouve dans la pensée, non la révolte contre Dieu que lui suggère le Serpent, mais la liberté. Il refuse en conséquence le pardon de Dieu, tandis qu'Ève, à son côté, se pénètre peu à peu d'amour humain jusqu'à préférer le malheur avec Adam au bonheur sans lui. À la fin, Adam, seul vainqueur, s'avance triomphant, Ève près de lui, entre le principe de la création et celui de la destruction, sans plus se soucier d'eux que l'homme, faisant sa vie, ne songe à la naissance et à la mort.
Dans Le Fond et la Forme qui est une sorte de dictionnaire de mes idées et de mes goûts, il ne figure pas de chapitre Stendhal. J'en avais prévu un, cependant. Je voulais le composer de la façon suivante:prendre quelques passages significatifs du petit livre de Mérimée:H.B. par un des Quarante, et les paraphraser avec amour. J'isolai donc une demi-douzaine de paragraphes et me mis à les développer à ma façon. Très vite, ce travail m'enchanta. Les gloses fleurirent, foisonnèrent, changèrent de ton et d'allure. J'étais parti pour écrire quinze pages de critique sentimentale, et voilà qu'il naissait un roman. Au lieu de me limiter aux six paragraphes que j'avais initialement choisis, je traitai à fond les cinquante-quatre qui composent la plaquette entière.
Le présent volume a donc cinquante-quatre chapitres. Il y est question principalement de Stendhal, mais aussi de bien d'autres choses:de la France en 1796, 1830 et 1958, de Napoléon, de la vie et de la mort, de l'art, de la guerre, de l'amour et, s'il m'est permis de le dire, de moi. L'étincelle qui enflamme l'inspiration, et donne naissance à un livre, jaillit toujours inopinément. Je n'imaginais guère, en commençant mon chapitre «Stendhal», qu'il deviendrait L'âme sensible, et que je mettrais dans ce livre toute mon expérience d'homme et d'écrivain. Comme quoi le sujet ne compte guère, ni même le genre. L'âme sensible se range dans la catégorie des essais. Cela tient aussi de la biographie, des mémoires, de la philosophie historique, du pamphlet, de l'étude psychologique, du traité d'esthétique et de morale, de l'éducation sentimentale, enfin. Stendhal y est présent à chaque page. Mais cet homme admirable ne m'a pas seulement servi de héros de roman, il a été pour moi la mesure de beaucoup de sentiments essentiels dont, en contemplant sa vie, j'ai pris une plus vive conscience. Il me semble que la meilleure qualification, pour L'âme sensible, serait encore:roman d 'amour. Jean Dutourd.
Lorsque parurent en 1963 Les horreurs de l'amour, le grand critique André Thérive écrivit que c'était un chef-d'oeuvre, mais, précisait-il, «un chef-d'oeuvre insulaire», c'est-à-dire qui resterait unique dans son genre, que nul ne pourrait jamais imiter.Ce roman, qui a l'épaisseur des ouvrages de Dostoïevski ou de Dickens, qui est une somme sentimentale et psychologique comme celle de Proust, qui a la complexité, la minutie et les vastes mouvements de la vie, raconte les amours tragiques d'un député quinquagénaire et d'une dactylo de 25 ans. Mais au-delà de l'anecdote ou de l'intrigue, encore que celle-ci soit traitée comme elle doit l'être, il se dégage de toutes ces pages ce qui fait les oeuvres durables:une vision du monde, une philosophie, une métaphysique.
Lorsque parurent en 1963 Les horreurs de l'amour, le grand critique André Thérive écrivit que c'était un chef-d'oeuvre, mais, précisait-il, «un chef-d'oeuvre insulaire», c'est-à-dire qui resterait unique dans son genre, que nul ne pourrait jamais imiter.Ce roman, qui a l'épaisseur des ouvrages de Dostoïevski ou de Dickens, qui est une somme sentimentale et psychologique comme celle de Proust, qui a la complexité, la minutie et les vastes mouvements de la vie, raconte les amours tragiques d'un député quinquagénaire et d'une dactylo de 25 ans. Mais au-delà de l'anecdote ou de l'intrigue, encore que celle-ci soit traitée comme elle doit l'être, il se dégage de toutes ces pages ce qui fait les oeuvres durables:une vision du monde, une philosophie, une métaphysique.
Les horreurs de l'amour Le séminaire de Bordeaux
Dans ce livre, Jean Dutourd oublie ses contemporains en relisant les auteurs du passé : Celui qui a pour principale lecture celle des auteurs morts n'a pour amis, voire pour interlocuteurs, que des hommes supérieurs.
Il jubile avec La Vie de Rancé, de Chateaubriand : C'est mystérieux et savant comme les derniers quatuors de Beethoven.Il salue Paul-Jean Toulet, à propos des OEuvres complètes : Il enfonce Gide, Valéry, et quelques autres mastodontes. Il se réjouit en plongeant dans le journal de Boswell. Et réagit pareillement en ouvrant l'édition en trois volumes du Journal littéraire de Léautaud, Volupté de Sainte-Beuve, les romans de Kipling, la Vie de Rossini de Stendhal, Gobineau, Maurice Sachs, Conan Doyle, Vialatte ou Bernanos.
On oublie trop souvent que Dutourd, célèbre pour sa causticité et ses tableaux de moeurs, a écrit l'un des plus beaux livres de critique littéraire du siècle, L'Ame sensible. Avec Domaine public, qui prend la suite d'un autre recueil de chroniques littéraires, Contre les dégoûts de la vie, il instruit, amuse et régale son lecteur. C'est un merveilleux professeur qui donne envie de partager ses plaisirs.