Ce volume reprend les six premiers recueils de poèmes publiés par Mario Luzi (1914-2005), de La Barque (1935) à Honneur du vrai (1957), dans la version définitive que l'auteur en a donnée en 1960. C'est par la volonté du poète que ces six livres forment un tout, qui correspond à la première période de son oeuvre : celle qui a fait de lui le chef de file de la génération de poètes nés autour de 1914 et qui ont assuré la relève de la génération d'Ungaretti et de Montale.On peut suivre ici l'itinéraire d'un jeune poète né dans un milieu rural encore traditionnel, en Toscane, dans une campagne demeurée pratiquement inchangée depuis Virgile, élevé sous le signe d'une foi religieuse représentée par la figure familière et bienveillante de la mère. À cet univers «idyllique» de La Barque succèdent rapidement des poèmes plus âpres, plus sombres, où se lisent les années de fascisme, l'angoisse de la guerre, une crise existentielle violente qui vient ébranler la confiance dans les cadres religieux. Pour restaurer sans naïveté une forme d'harmonie avec le monde, Mario Luzi s'engage alors sur une voie qui l'éloigne de la relative obscurité de certains de ses textes des années 40 pour l'amener à une poésie plus simple, de forme plus ouverte, soucieuse avant tout de trouver le ton juste pour dire la noblesse des humbles, la beauté des gestes quotidiens et, selon le mot de Rilke dont il est souvent si proche, pour «apprendre à voir», avec pour modèle l'art des peintres siennois du Moyen Âge.
Paru à l'automne 1999 en Italie, À l'image de l'homme est le dernier en date de la série des grands livres " symphoniques " de Mario Luzi inaugurée en 1985 avec Pour le baptême de nos fragments. Le précédent livre-poème de l'auteur, Voyage terrestre et céleste de Simone Martini, prenait la forme d'une fiction proche du " roman en vers ". A limage de l'homme est très loin de présenter la même dimension narrative, mais repose néanmoins sur une fiction: les poèmes en sont attribués à un double imaginaire du poète, Lorenzo Malagugini. Les onze sections du livre sont les fragments posthumes, recueillis par ses amis, de son journal intime dont le fil conducteur, écrit Mario Luzi en tête du livre, serait l'idée d'un " noviciat incessant ". Si la confession directe est ici résolument voilée, la particularité de ce " journal sans dates " est d'enregistrer aussi bien la dictée de l'expérience, la succession des circonstances quotidiennes (un voyage en Hollande, un pèlerinage à Assise, une promenade au bord de l'Arno, un soir à Lugano...) que les méditations religieuses les plus intemporelles, tournées vers l'énigme de la vie future. Le noviciat étant la période préparatoire à l'entrée dans un ordre religieux, on comprend que le " noviciat incessant " dont il s'agit dans ces pages est une manière de concevoir la vie entière comme préparation à un accomplissement qui se situe au-delà d'elle, et hors du temps.
L'actualité de leopardi est extrême : loin d'être le " sombre amant de la mort ", évoqué par musset, il a énoncé au contraire, au-delà de toutes les raisons de désespérer, un devoir de lucidité qui a fondé une grande partie de la littérature moderne.
Dans ses poèmes à la perfection classique aussi bien que dans le " chaos écrit " de son journal, le zibaldone, il remet en cause la notion de progrès avant même qu'elle ne s'impose en europe, et semble deviner les atrocités du xxe siècle. mais son désespoir, qu'il faudrait appeler plutôt le non-espoir, et qui naît d'un rigoureux " massacre des illusion ", a donné à l'écriture un sens nouveau : celui d'une enquête implacable dont l'objet n'est autre que la réalité même, et qui explore courageusement les impasses de l'intelligence.
Avec ce poète solitaire, à la fois sceptique et endeuillé par la fin de toutes les grandeurs, se consomme la crise de l'humanisme et les idéaux, mais s'ouvre aussi une phase nouvelle, où l'individu, libéré des systèmes, approfondit son propre sentiment d'exister.
Tel est le présent de leopardi, et c'est ce que mario luzi, poète majeur, souligne dans un texte court et lumineux, hommage à son grand prédécesseur, mais aussi réflexion vivante, nécessaire, sur les rapports entre poésie et pensée lorsque le désir d'habiter le monde répond encore à la tentation de l'amertume.
Le poète exalte la vertu unificatrice de la parole.