Le mercredi 17 octobre 1685 est un jour parfaitement ordinaire. Louis XIV, qui réside à Fontainebleau, chasse le matin, assiste le soir à une comédie, et dans l'intervalle signe l'édit révoquant l'édit de Nantes, régissant depuis 1598 les rapports entre catholiques et protestants.
Très vite apparurent les conséquences désastreuses, tant intérieures qu'internationales, de cette volonté d'éradiquer la religion réformée. Contemporains puis historiens se sont interrogés sur les circonstances et les responsabilités de la décision.
Le parti ici pris par Philippe Joutard est celui du temps long : l'importance de l'édit de Fontainebleau tient autant dans les violences de sa première application que dans sa longévité active. Comment expliquer l'incapacité de «révoquer la Révocation» en plein siècle des Lumières, avec des dirigeants souvent indifférents en matière religieuse? Cette permanence, malgré les preuves de son inefficacité, crée une véritable «culture de la Révocation» qui est facteur d'intolérance et marque durablement l'histoire de notre pays. Au-delà de l'émancipation civile des protestants par la Révolution, les résonances de l'événement, dont la mémoire était encore vivante au XIXe siècle, alimenteront le combat républicain pour la laïcité.
Une étrange révolte : deux ans de guerre ouverte dans une province du Grand Roi, le soulèvement d'un peuple de paysans et artisans décidés à témoigner pour leur foi suffisent à inquiéter la monarchie, à alerter l'Europe, à fasciner, pour deux siècles, les historiens. Ces Camisards, qui sont-ils ? Des prophètes ? des fous ? des simulateurs ? des agents de l'étranger ? L'épopée a laissé derrière elle ses témoignages. À travers eux, Philippe Joutard dessine, des prédicants aux guerriers inspirés et aux pasteurs du Désert, la longue durée d'un comportement culturel et l'originalité d'une révolte qui n'a pas cessé d'être inconcevable.
1702-1704:l'Europe entière a les yeux fixés sur la révolte des Cévennes. La guerre des Camisards soulève contre Louis XIV tout un peuple protestant mobilisé pour défendre sa foi. Dans une atmosphère de surnaturel entretenu par des prophètes, les partisans huguenots tiennent en échec les armées du Grand Roi. Cette obscure guerre des Cévennes fascine et déroute les observateurs parce qu'elle déplace tous les repères habituels:guerre de religion, elle ne rappelle pas ses devancières; révolte populaire, elle ne ressemble à aucune des émotions qui parcourent périodiquement la France du XVII? siècle; elle n'intéresse pas seulement les politiques, les stratèges et les historiens, mais les théologiens, les médecins et les psychologues. Sous la rumeur des textes court pourtant une autre histoire, dont Philippe Joutard s'est fait l'historien pionnier:celle de la tradition orale qui, des pères aux enfants, conserve jusqu'au coeur du XX? siècle la mémoire des héros parmi les humbles.
On célèbre en 1986 le bicentenaire de la conquête du mont Blanc, l'événement fondateur de l'alpinisme moderne. Pourtant, avant d'être découvert puis vaincu, le mont Blanc a dû être inventé. Philippe Joutard raconte ici la longue histoire de la haute montagne dans la sensibilité des hommes. Longtemp domaine maudit, interdit à leurs entreprises, la montagne entre dans l'imaginaire européen à la fin du Moyen Âge : curiosité scientifique, goût du risque, esthétique de la démesure mêlant des sentiments d'horreur et de beauté font d'elle, désormais, un lieu d' investissement privilégié. Des abîmes aux glaciers, des glaciers aux sommets, voici l' invention d'un paysage affectif et moral.
Ce coffret, qui réunit un livre illustré de 144 pages et deux cassettes vidéo de 1 h 30 chacune, témoigne de la richesse du patrimoine culturel autour du Mont-Blanc.Fruit des échanges entre les "chercheurs du Centre alpin et rhodanien d'ethnologie" (Grenoble, France), du "Centre d'études francoprovençales René Willien" (Saint-Nicolas, Vallée d'Aoste, Italie), du "Centre régional d'études des populations alpines" (Sembrancher, Valais, Suisse), et de la société de production de films documentaires "TV.TV.", il s'intéresse moins au sommet, au Toit de l'Europe, qu'aux cols, aux alpages et aux vallées qui l'entourent, et s'attache tout particulièrement à la parole des hommes qui y vivent et y travaillent.De part et d'autre des frontières, depuis toujours ils sont guide, aubergiste, herborisateur, bûcheron, maquignon, fabricant de sonnailles, et ils partagent souvent le même vécu, la même vision, à quelques pratiques ou expressions près. A travers leurs métiers, leurs savoir-faire, leurs tâches quotidiennes, la relation qu'ils entretiennent avec leur environnement naturel comme avec la communauté à laquelle ils appartiennent, ce sont eux qui ont "« inventé le Mont-Blanc »", comme le suggérait le titre du fameux livre de l'historien "Philippe Joutard", concepteur du projet.
Aujourd'hui, il est partout question de commémoration, de devoir ou d'abus de mémoire. Rapport personnel, affectif au passé, la mémoire semble avoir tout envahi. Culturelle, historique, religieuse, artistique, elle peut se montrer exclusive et nuire au vivreensemble. Mais elle est aussi capable de susciter la résistance à l'oppression, de sauver une minorité, d'assurer la cohésion d'un groupe, d'une société, d'une nation. Autre rapport au passé, à vocation universelle cette fois, l'histoire se tient à distance. Fruit de la rationalité, elle cherche modestement et obstinément une parcelle de vérité.
Tout semble donc opposer histoire et mémoires ; les conflits se sont d'ailleurs multipliés, surtout en France. Le pari de l'auteur est pourtant d'en affirmer l'indispensable alliance et d'en proposer les conditions. Les mémoires ont déjà transformé les livres d'histoire, offrant à l'événement et à la biographie une nouvelle jeunesse. Ainsi, l'histoire orale a donné à comprendre, de l'intérieur, les invisibles, restés à l'écart de l'écriture. Les mémoires obligent les historiens à questionner leur métier, leur fournissent de nouveaux objets d'étude et la possibilité de saisir une réalité jusque-là inaccessible. En contrepartie, l'histoire demeure le seul moyen d'apaiser les mémoires blessées, de permettre aux mémoires concurrentes de cohabiter. La meilleure manière de vaincre l'oubli et de se prémunir des excès mémoriels.
Témoignant du basculement de la France et de l'Europe vers un nouveau monde, la guerre des camisards et la guerre de Vendée encadrent le XVIIIe siècle. La première est une révolte face à la volonté d'absolutisme de Louis XIV et deviendra a posteriori le symbole d'une lutte pour la liberté de conscience;la seconde est une révolte qui symbolise à la fois la Contre-Révolution et la marche forcée vers l'État-nation. Des protestants luttant pour garder leur liberté de culte sans contester la légitimité du pouvoir royal;des catholiques se battant pour préserver leur manière de pratiquer,en contestant le bien-fondé d'un nouveau régime qui les instrumentalise. Deux rapports à l'État mais la même incapacité de l'État d'appréhender la diversité.
La mémoire de ces deux guerres est demeurée très vivace,non seulement dans les régions concernées,les Cévennes et la Vendée, mais également à l'échelle nationale voir internationale. Ce sont des récits fidèlement transmis, de génération en génération. Mais ce sont aussi deux mémoires façonnées par le temps et dont la perception a pu changer, parfois de manière radicale.
À travers le récit des révoltes, ce livre à deux voix est une réflexion originale et limpide qui questionne le rapport à l'histoire et à sa mémoire, écrite, orale et picturale.
1878 : Robert-Louis Stevenson accomplit son voyage avec Modestine à travers les Cévennes. Les populations l'ont vu passer,ont discuté avec lui.Douze jours de traversée,et l'écrivain disparaît à jamais de ces hautes terres.Son récit est immédiatement publié,mais en anglais.En 1901, une jeune association (désormais plus que centenaire,) le Club Cévenol,en donne une première traduction-adaptation.Bien avant la mode de la randonnée,du retour à la terre,de l'écologie,cette édition pionnière du Voyage est beaucoup plus qu'un long résumé:c'est la belle surprise de ce texte,jamais réédité depuis 1901:il frappe par son équilibre,son allure,sa capacité à offrir le meilleur d'une oeuvre et d'un esprit.Un vrai tour de force que l'on peut conseiller aux randonneurs et surtout à tous les amoureux de Stevenson: Ils vont relire ce qu'ils n'ont encore jamais lu.
Les conditions d'enseignement au moment du confinement ont mis en lumière les écarts sociaux face aux apprentissages et au suivi de scolarité.
Les inégalités sociales ont massivement fait leur retour dans l'analyse de la « continuité pédagogique ».
La première partie de l'ouvrage montre les résistances à l'intérieur d'un système éducatif davantage organisé pour trier et sélectionner que pour faire réussir tous les élèves.
Qu'il s'agisse des représentations des enseignants face aux élèves défavorisés ou des stratégies de non-mixité sociale par les parents de milieux aisés, des stéréotypes et réalités des climats scolaires au sein des établissements ou du recours au privé qui favorise le séparatisme social, le regard que l'on porte sur les enfants des milieux populaires est déterminant dans les ressorts d'une réussite scolaire digne et respectueuse du pacte républicain.
La seconde partie porte sur les facteurs de réussite. Elle propose des exemples concrets de réussite en milieu défavorisé (mini-projets, concours d'éloquence) et donne à voir les bonnes pratiques porteuses de belles réussites.
En l'espace de deux décennies, deux traités franco-britanniques délimitent un tournant majeur dans l'histoire de l'Amérique du Nord (1763-1783). Ce livre dresse un inventaire de tous les aspects de cette période de conflits et de négociations : la guerre et la marine française, la diplomatie et l'art de la paix, les ambitions impériales françaises, le devenir des Canadiens, Amérindiens et Anglo-américains.
Avec le soutien de l'université de La Rochelle et du CRHIA, des Archives de France et les archives des ministères des Affaires étrangères, Cultures et Défense et de la CFQLMC.
Depuis plus de vingt ans, les réformes de l'école maternelle se multiplient. L'auteure pose les bases de la refondation en cours et dresse le portrait complet d'une école première, centrée sur les apprentissages qui vont étayer la construction du socle commun des connaissances et compétences.
Face à l'Histoire, telle aurait pu être la devise de Lucien Febvre. Né à Nancy en 1878, mais franc-comtois d'origine et de coeur, Febvre fréquente l'Ecole normale supérieure avant d'être nommé professeur au lycée Victor-Hugo de Besançon. C'est au coeur de cette Franche-Comté tant aimée qu'il rédige sa thèse qui lui permet de devenir professeur aux universités de Dijon et de Strasbourg. En 1929, il fonde avec M. Bloch la revue des Annales avant d'être élu au Collège de France en 1932. Il devient alors, selon la formule de Braudel, un "prince de l'histoire" et construit une oeuvre féconde.
À partir de nombreuses archives inédites, ce livre offre un portrait nouveau de Lucien Febvre, plus complexe, plus précis aussi, grâce à une mise en lumière du milieu intellectuel dans lequel il a gravité pendant sa jeunesse et à des analyses renouvelées de ses combats et convictions, de son écriture de l'histoire et de la réception de ses oeuvres à l'étranger. Cet ouvrage offre l'occasion unique de le suivre, depuis le temps joyeux du Père Ubu, en passant par ses premiers engagements politiques, avant qu'il ne soit confronté à la violence de la guerre, expérience fondatrice qui irrigue ensuite toute son oeuvre et qui lui fait comprendre l'utilité de l'histoire, discipline indispensable à la vie car "seule capable [...] dans un monde en état d'instabilité définitive, de vivre avec d'autres réflexes que ceux de la peur".
on connaît le rôle du chambon-sur-lignon en faveur des juifs, pendant la période de l'occupation ; on avait oublié que les cévennes n'étaient pas seulement une terre de résistance armée, mais aussi une terre d'accueil.
ici, dans les montagnes du gard et de la lozère, des centaines de persécutés ont trouvé refuge. echappés des camps d'internement ou des rafles, seuls ou en famille, juifs français et étrangers, mais aussi allemands ou autrichiens antinazis, la plupart ont survécu grâce à l'efficacité du " réseau " des pasteurs protestants et à la complicité active ou passive de toute une population qui, au-delà de ses clivages religieux, politiques et sociaux, a fait bloc dans sa volonté d'hospitalité.
c'est cette histoire, pratiquement inconnue il y a vingt ans encore, qu'a cherché à ressusciter le club cévenol en mettant à jour les documents écrits et en interrogeant au début des années 1980 des dizaines de survivants. à travers le foisonnement des témoignages recueillis, la tragédie existe, heureusement rare ; l'angoisse, souvent présente, n'exclut pas le sourire, mais émergent surtout la tendresse et une générosité qui éclairent ces années sombres.
publié pour la première fois en 1987, deux fois réédité, ce livre, devenu classique, était introuvable, alors même qu'il offre une somme de regards et d'informations sur les juifs et les justes et propose un exemple réussi d'articulation entre mémoire et histoire. en voici la nouvelle version, augmentée de plusieurs textes inédits.